dimanche, mai 29, 2011

Synthèse Intersection












Avec Bernard Reeb, dont j'ai plusieurs fois parlé dans les Chroniques ou les Nouvelles, la rencontre artistique était inévitable. Elle l'est aujourd'hui et nous avons pour objectif de nous faire plaisir autour de la synthèse, qu'elle soit virtuelle ou hardware. Avec notamment, le projet de réaliser un album où se confronte nos deux univers. Depuis des années, avec Bernard, nous échangeons beaucoup, via des forums spécialisés, et aujourd'hui d'une façon plus régulière, via nos messageries, autour de la musique, qu'elle soit classique, contemporaine ou électroacoustique/électronique. Chacun apprécie ce que fait l'autre et ne s'en cache pas.
Comme je l'ai déjà écrit ici, à ce jour, Bernard a produit une douzaine d'albums de musiques ambient éthérées. Il est particulièrement sensible aux mondes oniriques que propose la synthèse sonore. Il travaille notamment avec des outils comme Absynth 4, Zebra, Moog Modular V2.... Il a été invité par l'Opéra de Nice pour une interprétation originale des 100 métronomes de Ligeti), et en tant que compositeur à l'image, il a obtenu tout récemment le prix de la meilleure musique originale, avec Mathieu Lozinguez, au Festival Inter-régional de Cinéma et Vidéo 2011 pour Eve de Dimitri Frank). Il est également auteur de partitions pour guitare classique publiées en France et au Canada. Deux faits importants pour lui que nous avions rapporté.
Ce qui nous intéresse dans ce projet, c'est la confrontation de nos univers, mais aussi de nos outils. Avec toutefois, un point commun, la synthèse. Virtuelle pour Bernard, virtuelle et hardware pour moi. Venant de l'électroacoustique (Tape Music), j'ai une culture avant tout numérique inculquée notamment lors du stage de de 40 jours à lIrcam durant l'été 1981. Ca marque. Et si j'utilise des synthés hardware comme le Clavia G2 Engine, le Yamaha SY99, l'Origin Arturia, je n'oublie les outils de l'informatique musicale comme Open Music, Audiosculpt, Super VP Trax, Max MSP/Max for Live, Csound. Le lien étant aujourd'hui, entre le hardware et le virtuel, un système Buchla 200e, synthé hybride, analogique et numérique. Avec, chose exceptionnelle pour un modulaire, sauvegarde des paramètres dans une base de 30 presets.
Le principe de cette collaboration se veut entre deux univers complémentaires : l'un mixe ses propres sons avec ceux du second... et inversement. L'un avec Live8 et Samplitude Pro11, l'autre avec Reaper4.
Ce track offre 3 courts extraits d'une première partie. Pour ces extraits, c'est Bernard qui a eu la main, à partir de mes sons, de mes séquences réalisées avec le Buchla 200e, il a apporté sa touche, il les a intégrés à sa musique.

ExtraitsPart1 by B&D

samedi, mai 07, 2011

Se souvenir du père de l'informatique musicale

Le chercheur et compositeur Max V. Mathews, et considéré comme étant le père de l'informatique musicale, est décédé le 22 avril dernier à l'âge de 84 ans. Comme je le supposais à l'annonce de son décès, la nouvelle ne ferait pas les grands titres des journaux. Deux semaines plus tard, il faut bien se rendre à l'évidence, les commentaires, y compris dans les forums spécialisés sur la musique par ordinateur ou de synthétiseurs, sont très rares voire quasi inexistants. Toutefois, bémol positif, le New York Times lui a consacré un article assez conséquent, tout comme pour Milton Babbit disparu à 94 ans (cf : la news du Monde ). Plus surprenant Le Monde ne semblait pas connaître celui qu'on considère comme étant le pionnier de l'informatique musicale, Max V. Mathews. Une méconnaissance qui semble étonnante mais qui serait aussi partagée sur les sites, de France Culture et de France Musique : les recherches avec les moteurs intégrés du quotidien et des deux radios du service public se traduisent par un message laconique indiquant que la recherche n'a pas abouti.
Bien entendu,on ne pensera pas une seconde que Le Monde (et ni France Musique/Culture) méconnaissent le pionnier de l'informatique musicale. En rusant quelque peu, en effectuant une recherche sur Pierre Schaeffer (là, les réponses sont très nombreuses), à l'occasion d'un article sur le Printemps de Bourges 2002, "L'électroacoustique rapproche musiques actuelles et contemporaines", paru dans l'édition du 9 avril 2002 évoque l'exposition d'instruments et de machines conçus au XXe siècle "ainsi qu'une série de débats sur le thème des Pionniers et héritiers des musiques électroniques".
L'article rappelle que le premier concert de bruits a eu lieu le 5 octobre 1948 à 21 heures au club d'Essai de la RTF à Paris. En le présentant, Pierre Schaeffer pose ainsi une question : « Serait-il possible, dans la riche matière des bruits naturels ou artificiels, de prélever des portions qui serviraient de matériaux pour une construction organisée ? » Comme le souligne l'auteur de l'article, Pierre Gervasoni, " Schaeffer aurait voulu définir le sampler (échantillonneur) qu'il ne s'y serait pas pris autrement ". Ceci étant, les fondements de la musique concrète étaient posés.
De même, la musique électronique, verra le jour au sein d'une autre radio, la WDR de Cologne, le 26 mai 1953. Ce jour là sont diffusées des pièces de Robert Beyer et d'Herbert Eimert. Le 19 octobre 1954 la WDR programme deux Etudes électroniques de Karlheinz Stockhausen qui ont été réalisées avec un générateur de fréquences produisant des ondes sinusoïdales. Deux orientations, concrète et électronique, qui s'opposeront assez violemment.


Informatique musicale

En contrepoint, aux Etats Unis, le premier ordinateur IBM à transistors qui voit le jour en 1955 en suscite les recherches. Le compositeur Lejaren Hiller qui revendique comme maître Roger Sessions et Milton Babbit s'intéresse aux processus musicaux, et recherche une filiation entre sérialisme et informatique. Une recherche qui, pour Célestin Deliège (Cinquante ans de modernité musicale, de Darmstadt à l'Ircam) préfigure les travaux menés sur l'intelligence artificielle. Hiller qui est aussi chercheur en chimie à Illinois, estime qu'avec le programme qu'il utilise sur son ordinateur Illiac il va pouvoir créer une oeuvre musicale. Cette suite créée en 1956 qu'il dénommera Illiac sera retranscrite pour un quatuor à cordes. Célestin Deliège rappelle qu'Hiller sera chargé d'organiser un laboratoire de musique expérimentale à l'Université d'Illinois puis de Buffalo. Son activité musicale se traduira par des pièces instrumentales, électroniques ou pour ordinateur. Notamment la Computer Cantate créée en 1963. De même, C. Deliège confie que selon Manning, le matériau des deux oeuvres de Hiller aurait également servi pour le HPSCHD de John Cage.
En parralèlle, mais dans une toute autre démarche, alors qu'il est employé près de New York par les Bell Laboratories, Max Mathews est beaucoup plus concerné par la technologie naissante. Dès le début des années 60, il met au point la conversion numérique d'un signal électronique. Les bases de l'informatique musicale sont ainsi jetées par Max V. Mathews. Il sera aidé ensuite avec un collaborateur de poids, Jean-Claude Risset, pour définir ce qu'on appellera par la suite la synthèse sonore. Il mettra au point la fameuse série des programmes modulaires Music (notamment Music V, et Music 10 qui était utilisé à l'Ircam au début des années 1980). Et ses programmes de synthèse et de traitement du son par ordinateur seront aussi une des bases du lancement de l'Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (Ircam) fondé par Pierre Boulez à Paris en 1976. Il faut se souvenir qu'à l'époque, comme le remarquait Laurent Bayle, directeur de l'Ircam de 1992 à 2001, : « Electronique et musique concrète ont été dépassées par l'usage de l'informatique dès la fin des années 1960 et le pari de l'Ircam a consisté à miser sur ces bases américaines à une époque où personne ne croyait en l'avenir musical de l'ordinateur. »

Pour terminer, rappelons que le MIT’s new Media Lab Complex a célébré le 5 février 2011 cinquante ans de musique et de technologie (Celabrating 50 Years of Music and Technology @ MIT) sous l'impulsion de Joseph Paradiso, et Todd Machover, qui fut directeur de la Recherche à l'Ircam au début des années 80. Parmi les participants comme Miller Puckette (qui a créé Max MSP), Eran Egozy (co-fondateur d'Harmonix), des professeurs connus dont Marvin Minsky et Barry Vercoe, il y avait, bien entendu, Max Mathews connu, souligne le site de présentation, comme étant le father of computer music.

Des liens 


un très court extrait (couverture et table des matières) de son livre The Technology of Computer Music qu'il avait écrit avec la collaboration de Joan E. Miller, F.R. Moore, J.R. Pierce et Jean-Claude Risset. Edité par le M.I.T. Press (Masschusetts Institute of Technology) en 1969, cet ouvrage fondamental avait été à nouveau imprimé en 1974 et en 1977. C'est une bible. Le livre faisait partie de l'importante documentation donnée par l'Ircam quand j'ai fait le stage de 40 jours durant l'été 1981.

Quand Jean-Claude Risset avait reçu la médaille d'Or du CNRS, il avait fait un long discours où il avait évoqué son travail auprès de Max V. Mathews. Lisez-le, c'est passionnant.
Le compte rendu de la manifestation 50 Years of Music and Technology @ MIT a été publié sur le site du MIT.

Dans les excellents portraits Polychromes du GRM, il y a celui de Max V. Mathews. Il est notamment interviewé sur son travail, sur la création du premier convertisseur Analog/Digital, on peut entendre Bicycle Built for Two qui a été composé en 1961ainsi que Silver Scale composé en 1957 sur un IBM 7094.

mardi, avril 19, 2011

Prix pour la musique à Montbéliard

                          L'affiche de Eve de Dimitri Frank. 

EVE, le film de science-fiction réalisé par le jeune réalisateur Dimitri Frank, s'est vu remettre récemment le prix de la meilleure musique originale au Festival Inter-régional de Cinéma et Vidéo 2011 qui a eu lieu à Montbéliard. Ce prix récompense le travail de deux compositeurs  Mathieu Lozinguez et Bernard Reeb.  Mathieu Lozinguez  note le dossier de presse est guitariste du groupe de rock instrumental Melatonine, et auteur du projet électronique King Kong Was A Cat  et également compositeur pour l’image. Depuis 2003, il a produit des musiques pour de nombreux courts métrages, films événementiels ou documentaires. Il a notamment composé à plusieurs reprises des musiques pour le Futuroscope de Poitiers ou pour France 3. Quant à Bernard Reeb, compositeur bien connu, notamment pour ses albums Ambient, j'avais consacré un sujet sur une de ses créations Lumina Magica que j'avais particulièrement apprécié. D'ailleurs, dois-je le souligner, nous partageons, même si nous ne faisons pas forcément le même style de musique, bon nombre d'interrogations sur la musique passée et actuelle. Et puis, cet esthète qui préfère le son d'un orchestre dans une salle aux banques d'orchestres VST - ce qui ne l'empêche pas, toutefois d'apprécier la banque Ircam Solo Instruments - est aussi un esprit curieux et inventif. Il faut l'être pour présenter avec l'Orchestre Philharmonique de Nice à l'Opéra de Nice le Poème symphonique pour 100 métronomes de György Ligeti. Donc satisfaction de voir que son travail a été récompensé. 
Les Chroniques de la Mao n'ont pas vocation à faire de la critique cinématographique. En revanche, quant une musique de film est crée avec la lutherie virtuelle, il est évident que cela devient intéressant. Je passerai donc rapidement sur le court métrage Eve qui s'inscrit dans une esthétique de science fiction. Et où on peut retrouver, à mon sens, des éléments de décors réels et virtuels en 3 D qui ne sont pas sans évoquer les univers de Moebius ou de Druillet. On ne s'en plaindra pas.


    Dimitri Frank et ses deux acteurs, Claire Hinder et Patrice Windholtz.


 Et le jeune réalisateur Dimitri Frank a su s'entourer d'une équipe qui porte haut les couleurs du film. C'est le cas de l'actrice, Claire Hinder, mais aussi des acteurs Patrice Windholtz et Wilfried Lang. J'ajouterai de même, le travail de Jean-François Liesenborghs pour les effets visuels en 3D, ses mondes imaginaires s'intègrent parfaitement aux scènes tournées durant trois nuits dans une usine désaffectée du Parc de Wesserling (et une autre dans la piscine de Thann en Alsace). D'ailleurs, Jean-François Liesenborghs a reçu depuis 2003 plusieurs prix pour ses travaux en 3D. Et si le Festival de Musique Electronique, Vidéo et Computer Art qui se déroulait au Plan K de Bruxelles, il n'aurait pas démérité. C'est le genre de créateur avec lequel on a envie de travailler. 


    Bernard Reeb avec le réalisateur Dimitri Frank lors d'un mixage dans le studio du compositeur.


Mais revenons à la musique. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que les parties musicales réalisées par Bernard Reeb ont été faites avec des synthés virtuels. Initialement, Mathieu Lozinguez avait composé pour le film, en amont, des thèmes avec nappes de synthétiseurs, des samples d'orchestre, l'enregistrement de la chorale avec en final la voix d'une soliste :
Ce sont essentiellement des nappes pour créer une ambiance, ce sont des sons synthétiques auxquels on a parfois rajouté le Choeur des Rives de la Thur et cela crée une ambiance, une dimension supérieure aux sons synthétiques, précise le compositeur dans le Making-Off du DVD. Un travail, disons classique. Bien dans l'esprit des compositeurs de films pour qui le synthétique (dans le sens synthèse, entendons-nous bien) est moins noble que l'orchestre réel. Il suffit de consulter le forum compositeurs.org pour se rendre compte que les vst utilisés sont principalement des banques de samples d'orchestre et utilisés, surtout, en tant que substitut à une véritable formation instrumentale. Les créateurs de musique de films sont assez peu nombreux à utiliser les outils de synthèse, qu'ils soient virtuels ou hardware. Dans le même temps, le réalisateur souhaitait aussi une évolution de l'artificiel vers l'humain, avec le final 100% synthétique au départ et qui progressivement avec la chorale,  puis la voix soliste qui prend le dessus sur tout le côté synthétique. 
Et cela nous ramène à Bernard Reeb. Comme ce dernier me l'a indiqué, Dimitri Frank a cherché  aussi une musique plus spaceplus ambiance, et il est tombé notamment sur Lumina Magica, évoqué plus haut. Dimitri Frank  m'a décrit son projet comme de la pure science-fiction.  Son histoire lui a été inspirée par la musique de « Songs of a distant earth » que je considère moi-même comme l’un des meilleurs disques de Mike Oldfield, et en sus comme l’un des meilleurs livres de Arthur C. Clarke, confie Bernard Reeb. 
Ce dernier a travaillé sur deux niveaux. L'un étant plus axé sur le Sound Design, sur la synchro sur l’image et surtout un gros travail syllabe par syllabe pour rendre le texte intelligible au mieux : niveaux et égalisation : vrai travail de chirurgien !, précise-t-il. De même, confie-t-il : J’ai entièrement créé tous les bruitages en virtuel. Originalité, vu le côté SF
et étrange : uniquement de la synthèse, avec Absynth et Zebra. Exemple : la pomme qui tombe ne fait pas « boum » mais « bzouining ».  De même, l
es bruits de tuyauteries du vaisseau, les hologrammes (oui, car personne n'ignore que les hologrammes sont bruyants) les étoiles qui chantent, etc… le tout sur Absynth et Zebra, aucun sample. Pour cette composition, il y a des moments que Bernard qualifie de  "magique". 
 A un moment (la scène « romantique ») je mets ma musique, des nappes et des cordes.  Et j’ajoute,  juste pour voir, une partie de piano qu’avait préparé l’autre compositeur Mathieu Lozinguez : miracle, ça colle à 100%, harmonies, ambiances… comme si une seule main avait écrit ce passage.
Précision, l'ensemble a été réalisé sur Reaper (donc avec une piste vidéo), des pistes MIDI pour Absynth et Zebra et des pistes audio pour les voix et les musiques de Mathieu. La sculpture sonore, l'égalisation notamment des fichiers audio a été faite avec les outils intégrés de Reaper. Et Uhbik de U-he pour la réverbération.
J'ajoute que le Making-Off du film est très bien fait. Chacun des membres de l'équipe explique dans des interviews son travail, avec des plans de Eve pour soutenir les explications. C'est une occasion de découvrir l'antre de Bernard Reeb. 

- Eve de Dimitri Frank. 

jeudi, avril 07, 2011

Phosphor en ligne directe sur l'Alpha Syntauri

Un nouveau synthé virtuel vient d'intégrer ma panoplie d'outils Vst : Phosphor d'Audio Damage. Comme s'est écrit dans le forum de samplestation, c'est une recréation de l'Alpha Synthauri bien connu par ceux qui utilisaient comme moi dans le début des années 1980 l'Apple IIe et renforcé par deux cartes de la Mountain Hardware qui transformaient l'Apple IIe en synthétiseur numérique 16 voix. J'ai failli passer à coté, de rater ce synthé virtuel qui travaille en synthèse additive avec deux oscillateurs. Et j'en aurais été fort marrie. Quand je travaillais avec l'Apple IIe, j'appréciais le logiciel Music System de la Mountain Hardware. Il y avait un sous-programme dénommé The Wavemaker qui permettait de dessiner la forme d'onde avec les 24 harmoniques et leur amplitude respective.











Ci-dessus, les illustrations du manuel de Music System. A noter qu'outre les deux cartes de la Mountain Hardware, le pack comprenait aussi un light pen qui permettait d'ajuster les amplitudes des harmoniques. 
J'aimais bien ce programme wavemaker qui me permettait de faire tourner en boucle un petit fichier et de traiter quasiment en temps réel le son qui sortait de l'Apple et que je ré-injectais dans l'Ems Synthi Aks.




Phosphor reprend le même principe qui était aussi celui de l'Alpha Synthauri mais avec des apports d'aujourd'hui dont deux LFO, deux Delay qui peuvent être synchronisés, du feedback, des possibilités avec les LFO de plusieurs modulations. C'est un bel outil et qui permet, surtout, de travailler en synthèse additive.