lundi, janvier 26, 2009

Lumina Magica de Bernard Reeb


Une des caractéristiques que j’apprécie dans Lumina Magica, c’est le ressac du début du premier thème, Sensation of Breath, avec ce flux et reflux quasi récurrent. J’allais dire perpétuel, mais bon, on ne va quand même pas introduire dès le début de l’écoute une telle notion. Alors, découverte, d’espaces intersidéraux, découverte d’autres galaxies ? Non pas. Invitation aux voyages intérieurs, oui, vraisemblablement. Dans le noir, on perçoit toute cette finesse des grains sonores, un peu comme justement comme quand le ressac s’étire, laissant sur la face noire de la roche, des myriades de filets blancs, qui s’estompent. Ici, on est dans le domaine du liquide avec ces sons qui filent à l’inverse abyssale, de l’extrême grave au registre de chœurs, un peu à l’instar d’un Alfred Manessier avec son vitrail fétiche, la Grande Bleue qu’il avait lui-même baptisé, avec cette descente du haut en bas, de l’abysse à la surface, à l’air libre. Pour respirer. Et puis, ces rythmes qui ponctuent, sorte de gazouillis de cétacés amoureux ou de mouvements périodiques des machines du capitaine Nemo, cette vaste symphonie aquatique, n’est-ce pas l’appel de découvertes encore possible sur notre bonne vieille planète terre. Justement, Searching for Heaven, nous ramène dans des contrées plus classiques, on sent cette recherche des clés qui vont permettre l’accès à ce lieu mythique que nous recherchons tous. Les accords, tout en noblesse, nous y invite. Ils évoluent, sont quasiment laminés, apparaissent, disparaissent, sortes de chœurs grégoriens, avant cette onde qui introduit de profondes harmonies, d’accords qui pourraient prendre leur envol dans une cathédrale, et cette onde, aquatique, qui ponctue, évanescente, et qui rappelle au gardien des lieux qu’il n’est qu’un simple pêcheur.L’introduction d’Encounters est superbe. Où la synthèse rencontre le grand orgue, devient majestueuse, se décline en tirettes harmoniques, se dévoile selon leur rang respectif. Magique. C’est l’hommage de Robert Moog, via Bernard, à Olivier Messiaen. Mais aussi, à ce fabuleux organiste qui était Jean Guillou au grand orgue de Saint-Eustache à Paris. A dire vrai, cette pièce dépouillée, qui peut vivre par elle-même, est ma préférée car ce travail harmonique complété par un jeu sur les couleurs du timbre est en constante évolution. Bon, là Into the deep sky, c’est ce que je disais, c’est une descente aquatique, c’est Jules Verne, c’est vingt mille lieux sous les mers, c’est l’inverse abyssale d’Alfred Manessier. Tous ces sons en contrepoint du chœur sombre, ils sont évanescents, liquides… Il ne faut jamais se fier aux compositeurs, aux créateurs. Ils mettent sciemment des fausses pistes. Non, nous sommes bien dans le Nautilus, et on entend bien le rythme des machines, c’est léger, présent, aérien. Bah oui, car rien n’empêche le Nautilus de Bernard Reeb à quitter l’océan, à se laisser porter par le chœur qui se sent aspiré vers la surface, décolle pour la stratosphère porté par la puissance des oscillateurs. Le Nautilus rencontre le ciel. Magique, non ? Flux, reflux. Bright Flow, dont le chant majestueux se déploie, est strié par des stridences cuivrées , au timbre quelque peu sali, contraste avec la pureté des timbres entendus. Enfin, en note finale, le retour à l’évanescence.

PS :à bien y regarder, la pochette me confirme que l'ami Bernard Reeb s’est inspiré du ballet lumineux des créatures des profondeurs.
Plus sérieusement, les timbres pour Enconters, sans rentrer dans les secrets de fabrication, ont été faits totalement avec le Moog Modular V2 d'Arturia. Ce Moog Modular, avec un patch tout simple comme base de départ, il le modifie légèrement et il le fait sonner comme jamais. Sinon, pour ceux qui connaissent les albums de Bernard Reeb, il y a, bien entendu, des timbres réalisés avec Absynth de Native Instruments. C'est normal, d'ailleurs car Bernard est un sorcier sur cet instrument.